Impact de la désinstitutionnalisation sur les famillles et amis de la personne atteinte de maladie mentale
Québec, le 14 octobre 2000 – Depuis le phénomène de la désinstitutionnalisation, l’hébergement est au coeur des préoccupations des familles. Ce phénomène de la fin des années soixante a entraîné un accroissement du fardeau familial. Les fonctions assumées antérieurement par l’institution psychiatrique ont été reprises majoritairement par les familles. Celles-ci demeurent dans bien des cas, la seule ressource et l’unique soutien disponible à la personne atteinte.
Compte tenu de cette situation et de ces préoccupations, la FFAPAMM a élaboré deux recherches-action en 1993 et 1994 afin de vérifier le taux de satisfaction des usagers, des parents et des intervenants face à l’hébergement. De plus, nous avons commandé un sondage de la Firme Léger & Léger en 1994 (marge d’erreur de 3,1%) et tenu un colloque sur la question auprès de nos membres.
Tous les résultats sont convergents, et à la question : « Les familles peuvent-elles et veulent-elles accueillir et héberger les personnes désinstitutionnalisées? », voici le portrait de la situation et nos conclusions.
D’abord, selon le Groupe Léger & Léger, au Québec plus d’une personne sur trois est touchée par la présence dans son entourage d’une personne atteinte de maladie mentale. Dans 63% des cas, ce sont les membres de la famille qui s’occupent le plus de cette personne et il en ressort que 51% des familles immédiates assument l’hébergement de leur proche.
Ces statistiques sont révélatrices, elles nous permettent de confirmer le manque de ressources dans la communauté. Les parents sont sollicités de plus en plus, souvent de façon disgracieuse. À preuve, ils déplorent vivement les pressions indues exercées par le réseau hospitalier pour les obliger à assumer l’hébergement de leur proche. Ils se butent à des procédés qui s’apparentent à du chantage émotionnel puisqu’on met l’accent sur les conséquences dramatiques d’un refus : suicide, prison, itinérance sont les principaux scénarios évoqués. Devant cette attitude où l’on joue sur les sentiments de culpabilité des parents, ces derniers se considèrent obligés d’assumer l’hébergement de leur proche. Cette «solution de rechange» entraîne souvent des tensions familiales, une augmentation de stress chez la personne atteinte et les membres de la famille, une augmentation des problèmes de santé chez les parents âgés, voire l’éclatement de la famille.
De façon générale, les parents sont conscients que l’hébergement au sein de la famille est loin d’être l’idéal. Ils constatent qu’ils ne disposent pas des moyens nécessaires pour accueillir leur proche, ils manquent de préparation, d’information, de soutien et de suivi continu. Même lorsque la structure familiale le permet, les parents estiment qu’il existe un fort risque de prise en charge exagérée de la personne atteinte, un risque de maternage qui, bien entendu, va à l’encontre de l’objectif d’autonomie souhaité par tous. De plus, la ressource familiale se veut éphémère, car les parents âgés sont conscients qu’ils ne pourront se substituer à un réseau d’hébergement éternel-lement.
Compte tenu de cette réalité, du désengagement de plus en plus marqué de l’état, du virage ambulatoire que l’on vit quotidiennement, des compressions budgéraires qui affectent tous les secteurs d’activité, les familles s’encouragent mutuellement à refuser d’assumer l’hébergement d’un proche tant qu’une entente préalable n’ait été conclue entre la personne atteinte, la famille, le médecin traitant et qu’un plan d’intervention soit bien défini. Les parents doivent également préparer la personne atteinte à vivre à l’extérieur du foyer familial en prévoyant un plan de retrait graduel du milieu et surtout éviter la prise en charge excessive.
Les familles croient au principe de la désinstitutionnalisation et à la réinsertion sociale de leur proche, mais actuellement elles subissent les contrecoups de son application, compte tenu que, de façon manifeste, il subsiste un vide entre l’hôpital psychiatique et le milieu de vie de la personne atteinte.
Selon nous, le lieu d’hébergement apparaît comme le point de départ de l’insertion sociale. En tant que milieu de vie principal, le choix du domicile est primordial pour l’individu. Ce dernier influence grandement son équilibre psychique qui, à son tour, a une incidence sur son maintien dans la communauté. Plusieurs types d’hébergement sont nécessaires dans la mesure où il existe toute une gamme de besoins. À notre avis, le soutien communautaire est sans contredit l’élément clé de ce processus de réinsertion, il est primordial d’assurer un suivi personnalisé, souple et adapté aux besoins de chaque individu.
Au-delà de ces services, il faut développer des centres de crise, des services d’intégration au travail et de loisirs et ce, sans oublier un gros travail de sensibilisation et d’information auprès du public pour enrayer les tabous et préjugés face à la problématique.
En conclusion, tout ce qui précède ne signifie pas que les parents veulent rejeter la responsabilité de leurs proches sur les seules institutions publiques et communautaires, mais ils ne font que constater que les conditions et services minimaux nécessaires pour une cohabitation harmonieuse ne sont pas réunis, en raison de l’incapacité du réseau d’assumer un niveau de services de suivi et d’information adéquat. Les familles se veulent un « soutien » pour leur proche atteint de maladie mentale, mais se gardent bien de devenir la voie de service, la principale « RESSOURCE » d’encadrement et d’hébergement.
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Source : Hélène Fradet, directrice
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