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Comment la maladie mentale affecte la famille

Le père et la mère

Les parents se sentent souvent les grands responsables de ce qui arrive à leurs enfants. Ils se sentent coupables. Ce sentiment de culpabilité, allié à leur habitude de contrôler la vie de la famille, les poussent à chercher une solution à tout prix. Ne trouvant pas de solution magique, ils vivent beaucoup d’impuissance et de désespoir face à la souffrance de leur enfant. Ils sont aussi très sensibles à l’opinion extérieure qui fera en sorte qu’ils seront pointés du doigt s’il arrive quelque chose à un de leurs enfants. Les parents souffrent aussi de voir anéantis les rêves qu’ils faisaient pour leurs enfants.

 

Les frères et les sœurs

Le lien qui unit les frères et sœurs est très fort et permanent. En effet, ce sont des compagnons de jeux ainsi que des complices dans l’apprentissage de la vie. Aussi, quand un frère ou une sœur, brusquement, ne suit plus ou est victime d’une catastrophe quelconque, cela affecte grandement les autres membres de la fratrie. La solidarité est grande entre frères et sœurs. La souffrance de l’un est ressentie vivement par les autres qui craignent de surcroît, un sort semblable. Comme les parents, ils se sentent coupables. Ils ont peur d’avoir été trop agaçants, trop jaloux ou de ne pas avoir protégé suffisamment leur frère ou leur sœur.

Les frères et sœurs vivent des émotions troublantes. Devant leurs amis, ils ont souvent honte de leur frère malade. Ils n’osent plus les inviter à la maison et sortent de plus en plus. Ils sont souvent jaloux du frère qui, à cause de sa maladie, accapare toute l’attention parentale. Ils se sentent négligés. Ils ont honte d’éprouver cette jalousie, cette colère à l’égard de quelqu’un qui souffre. Ils se sentent coupables d’être bien portants.

Des conflits peuvent surgir entre frères et sœurs. Certains se sentent responsables et appelés à prendre la relève des parents. En même temps, cela les angoisse. D’autres ont l’air de vouloir se sauver, de chercher à en faire le moins possible. Ces façons différentes de réagir causent des disputes, créent des froids et brisent parfois des liens pour longtemps.

 

Le conjoint

Quand on se marie, on dit traditionnellement que c’est pour le meilleur et pour le pire. Personne n’imagine vraiment que le pire va arriver. Pourtant, c’est bien ce que se disent ceux dont le conjoint se trouve soudain aux prises avec la maladie mentale.

Les conjoints bien portants connaissent aussi la culpabilité. Ils s’accusent de ne pas avoir été un assez bon partenaire, de ne pas avoir assez soutenu leur époux. Ils se demandent s’ils ont aussi des problèmes puisqu’ils ont attiré quelqu’un qui a des problèmes. Ils se sentent coupables du fait que leurs enfants souffrent de la situation.

Ils se sentent piégés d’avoir à assumer tout à coup l’ensemble des tâches familiales. Ils éprouvent du ressentiment à l’égard de leur partenaire et s’en sentent coupables. Il arrive assez souvent que des membres de la famille élargie s’en mêlent : les uns refusant de voir la fatigue et les limites du conjoint bien portant, les autres l’encourageant au divorce. Le résultat de ces pressions est que le partenaire se sent incompris et bien seul.

 

Les enfants

Les enfants dont un parent est atteint de maladie mentale, alors qu’ils sont encore jeunes, sont souvent contraints de jouer le rôle de parent. Ils devraient être protégés et ce sont eux qui protègent. Ils devraient avoir le temps de jouer, de vivre dans l’insouciance et pourtant ils doivent être sérieux, plus que leur âge. Enfin, devant la maladie du parent, ils vivent beaucoup de crainte, d’incertitude et de confusion. Les adultes, eux, peuvent trouver soutien et réconfort auprès d’amis et de professionnels. Ils ont accès à de nombreuses sources d’informations. L’enfant, pour sa part, n’a pas les mêmes ressources et souffre de solitude. Les adultes autour de lui sont parfois dans le même désarroi et comprennent mal la façon dont l’enfant est touché. De plus, pour le protéger, ils le maintiennent dans l’ignorance de ce qui se passe vraiment et aggravent ainsi sa confusion. Les enfants vivent aussi de la colère parce qu’ils n’ont pas un parent comme les autres, parce qu’ils ne reçoivent pas les mêmes attentions que leurs camarades. Comme les adultes, ils peuvent se sentir coupables.

 

La famille élargie, les amis, les voisins

Oncles, cousines, grands-parents, neveux et le reste de la parenté forment la famille élargie. Comme les amis et les voisins, ces gens sont affectés, à des degrés divers, par la maladie d’un proche. On retrouve chez eux diverses attitudes : du rejet complet à l’ingérence. Les motifs sont variés tels l’ignorance, la peur d’attraper la maladie ou d’avoir à s’impliquer mais aussi la crainte d’être importuns et de ne pas savoir quoi dire. Certains se croient permis de blâmer ou de donner des conseils sans y être invités.

S’il est irréaliste d’espérer convaincre tout le monde, il ne faut pas non plus se décourager. L’information bien dosée et la patience peuvent faire changer les façons de voir inappropriées et les transformer en attitudes plus accueillantes.

 

La personne malade

En plus de souffrir des effets de la maladie, les personnes atteintes souffrent grandement dans leurs relations avec les autres. Quand on interroge les bien-portants à propos de ce qu’ils craignent le plus dans la maladie, la majorité vous disent qu’ils craignent par-dessus tout de devenir un fardeau. Ils ne veulent pas causer de trouble, de souci et devenir dépendants de quelqu’un.

Les personnes malades redoutent d’imposer aux autres un surcroît de responsabilités lorsque elles-mêmes sont incapables de remplir celles qui leur reviennent. Elles se sentent coupables, inutiles, craignent de perdre leur raison d’être, leur identité. Cette situation les déprime ou les remplit de colère. Elles croient que ce qui leur arrive est injuste et elles se révoltent. Ces réactions, en partie guidées par le tempérament, sont universelles. Toutes les personnes handicapées à la suite d’un accident ou d’une la maladie physique ou mentale, vivent ces mêmes émotions.

Entre la personne malade et son entourage, se développent des situations de conflits à propos des rôles et responsabilités de chacun. Le malade peut trouver que son entourage en fait trop ou pas assez. Il arrive qu’on ne s’entende pas sur qui peut faire quoi car, à certains moments, la personne va mieux et se sent capable d’en faire plus. Lorsque la situation est instable, c’est souvent difficile de s’y retrouver et cela cause bien des irritations. À la longue, la personne atteinte peut perdre confiance en ses capacités et la personne aidante peut se révolter de ce qui lui paraît un rôle bien ingrat.

« Nul homme n’est une île. » On est heureux quand les autres se réjouissent de nos bonheurs et de nos succès. On doit accepter également que les autres s’attristent et aient de la peine quand ce qui nous arrive est malheureux. Les liens familiaux et amicaux si précieux expliquent que l’on ne peut pas toujours souffrir seul.

Quoi faire alors? D’un côté, il faut apprendre à aider, de l’autre, il faut apprendre à recevoir de l’aide, ce qui est peut-être plus difficile encore. Cela exige du doigté, de la patience et de l’humilité. Il faut encore découvrir les émotions et les raisons qui se cachent derrière les actions de l’aidant et de l’aidé. Tout ça demande du respect et de la compassion.

Il faut apprendre à connaître la maladie, ce qu’elle change et ne change pas chez les personnes. Il faut apprendre à reconnaître et accepter les limites de chacun et surtout ne pas comparer. Il ne faut pas tomber dans le piège des concours : qu’est-ce qui est le plus dur ? qui a le plus lourd fardeau ? Cette compétition dans la souffrance est un manque de respect pour les autres et risque de les faire se refermer dans la solitude en les faisant douter d’être compris.

 

Source : Guide sur les maladies mentales à l’usage des familles
Texte et recherche : Françoise Beauregard

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