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En primeur pour la Journée Bell Cause / Merci à ma dépression !

Merci à ma dépression!

Linda Sabourin, Conseillère d’orientation organisationnelle

C’était il y a 2 ans, presque jour pour jour, lorsque j’ai enfin décidé de me rendre et de laisser tomber mon armure. J’ai enfin accepté que j’avais un trouble d’anxiété généralisé causant une dépression majeure.  Aussi longtemps que je me souvienne, j’avais toujours eu cette boule dans l’estomac, cette espèce de lourdeur inexplicable accompagnée de grandes périodes de noirceur. Ce n’était pas la première fois qu’un médecin me proposait de prendre soin de moi mais c’était plus facile d’éviter et de continuer business as usual. Parlant de business, j’interviens dans le milieu des affaires depuis plus de 25 ans. J’ai acquis une bonne crédibilité que j’avais toujours peur de perdre ce qui m’a amené à ne pas prendre les bonnes décisions pour moi-même en évitant de faire face à la maladie. Car oui, des tabous et des préjugés il y en a encore et je l’avoue, j’étais tombée dans le panneau. A un point tel que l’an passé, j’ai changé d’idée à la dernière minute pour partager mon témoignage. Eh, oui ! Je me disais : qu’est-ce que les gens du milieu des affaires vont penser de moi, cela va nuire à ma business et à ma réputation, je vais perdre des clients, on va penser que je veux juste attirer l’attention, etc. Et puis, j’ai beaucoup réfléchi à tout ça durant l’année pour en venir à la conclusion que finalement en me taisant,  je continuais moi-même d’alimenter ce foutu préjugé.

Voilà là donc une des raisons pour laquelle j’ai envie de le faire ce fameux coming-out !

Heureusement, je suis à même de constater que la nouvelle génération de gestionnaire semble plus ouverte et sensibilisée à la maladie mentale. Il faut continuer à encourager les différentes initiatives qui sont prises en ce sens.

L’autre raison pour laquelle j’ai choisis de partager mon expérience, c’est pour donner de l’espoir car on peut s’en sortir et même devenir plus fort et plus heureux si on accepte d’aller chercher de l’aide.  Pour ma part, c’est au retour de notre voyage de noces il y un peu plus de 2 ans que tout a chaviré. Après avoir reçu une immense dose d’amour, j’ai ressenti un grand vide intérieur sans que je puisse le voir venir. Durant plus de 3 mois, je me suis renfermée sur moi-même, moi qui est très sociable tout en essayant de ne pas me faire démasquer en jouant tout simplement la comédie.  Lorsque mon conjoint et les enfants quittaient pour l’école, j’étais complétement paralysée, je pouvais rester des heures à pleurer assise toute seule avec mon chien dans les escaliers. J’étais incapable de me diriger vers mon bureau et lorsque j’essayais de m’installer face à mon ordinateur, je tremblais et j’étais incapable de peser sur une touche de mon clavier pour débuter le travail.  Je me sentais coupable car je ne développais plus ma business et lorsque ma petite famille revenait à la maison le soir, je jouais le jeu pour ne rien laisser paraître.  Oui, mon conjoint et mes amis sont à l’écoute mais je ne voulais tellement pas montrer ma souffrance. J’avais honte alors j’investissais plutôt mes énergies dans mon jeu d’actrice. Pour me faciliter le tout, je ne voyais plus mes amis et je me renfermais de plus en plus sur moi-même. Me considérant comme un fardeau pour ma famille et inutile sur le plan professionnel, je me suis enfoncée au point d’élaborer soigneusement mon plan de suicide.

Et puis, est survenu le décès d’un membre de ma famille pour lequel j’étais responsable de prendre les arrangements. Mon oncle, un homme extraordinaire qui a connu l’itinérance et qui venait enfin de s’en sortir et d’améliorer sa situation.  Cet homme m’a inspiré par sa bonté et sa grande générosité à aider dans le milieu de l’itinérance car il avait décidé de redonner au suivant. J’ai envie de croire que c’est mon ange gardien, celui qui m’a incité enfin à partager mon mal être avec mon conjoint qui m’a rapidement accompagné chez le médecin. C’est à partir de ce jour que j’ai pu enfin voir la lumière au bout du tunnel. Accepter le diagnostic, accepter de prendre de la médication, accepter d’en parler avec mes proches et accepter de me faire aider m’ont sauvé et définitivement contribuer à me transformer, à me sentir tellement plus légère et à apprécier la vie. À l’aube de mes 50 ans, je n’ai plus cette boule dans l’estomac, cette lourdeur sur les épaules et ce sentiment de vide intérieur qui m’avait toujours habité.  Aujourd’hui, on me dit souvent : Wow Linda tu as tellement l’air épanouie et confiante!  Oui, c’est vrai, je ne me suis jamais sentie aussi bien, je savoure le moment présent avec mes proches et j’ai du plaisir à exercer mon métier alors qu’avant j’étais paralysée par l’anxiété de performance. Et j’ai beaucoup plus d’impact dans mes interventions pour aider mes clients.  Finalement, tout le monde est gagnant et ma pratique professionnelle connaît du succès.

Ainsi aujourd’hui, je ne peux qu’exprimer ma gratitude envers ma dépression. Envers mon conjoint, mes enfants, mes amis, mes thérapeutes, mon médecin qui ont pu m’aider à m’en sortir, chacun à leur façon, parce que j’ai tout simplement décidé de le partager avec eux. Alors lorsque l’on dit qu’il faut en parler et de ne pas rester seule avec son problème, je peux vous confirmer que ce n’est pas un cliché ! Oui, ce fut tout un travail à réaliser sur moi-même tout en acceptant la prise de médication à long terme, mais j’ai enfin placé mes énergies au bon endroit.   Sans quoi, je n’aurais pas pu écrire ce texte aujourd’hui.

Je souhaite de tout cœur que mon témoignage puisse résonner pour contribuer à démystifier la maladie mentale, diminuer les préjugés dans le milieu des affaires et inciter les gens à partager leur souffrance. Car oui, la vie est belle mais inévitablement, elle est aussi parfois remplie d’épreuves et c’est en acceptant d’aller chercher de l’aide que l’on peut commencer à avoir l’espoir de s’en sortir pour continuer sa route.

MERCI DE M’AVOIR LU !