Lettre ouverte
Forum national sur le plan d’action en santé mentale 2014-2020 : un exercice de relations publiques ?
Pendant que le Québec se préoccupe du débat sur la Charte des valeurs québécoises et de la lutte contre la corruption avec la Commission Charbonneau, un enjeu de taille attire peu l’attention : l’organisation des services de santé mentale au Québec.
Le 28 janvier dernier, dans le cadre d’un Forum sur le futur plan d’action en santé mentale, le ministre Hébert conviait les principaux acteurs responsables d’offrir les services de santé mentale au Québec. L’objectif : recueillir l’opinion des différents partenaires sur le contenu éventuel du futur plan d’action annoncé pour le printemps 2014.
Les enjeux sont grands. Aujourd’hui, les problèmes de santé mentale touchent 20% de la population et affectent 80% des Québécois qui, un jour au l’autre, auront à côtoyer un proche atteint de maladie mentale.
Le ministre Réjean Hébert a une tâche similaire à celle d’un grand chef. Il doit offrir, au réseau de la santé et des services sociaux ainsi qu’aux organismes communautaires, un livre de recettes renouvelé : le Plan d’action en santé mentale 2014-2020. Ce document doit contenir les conditions gagnantes afin que les personnes atteintes de maladie mentale et les membres de leur entourage puissent bénéficier des services requis dans les plus courts délais. On parle ici notamment des services de crise, des services résidentiels, du suivi dans la communauté et des mesures de soutien pour les membres de l’entourage d’une personne atteinte de maladie mentale.
Arrivé à échéance en 2010, le dernier plan d’action en santé mentale (mis en place par le gouvernement précédent) a rencontré son lot d’embûches; le ministre Hébert en est conscient. Il a donc une lourde responsabilité afin que son livre de recettes intègre les ingrédients de base essentiels, ceux qui peuvent être facultatifs et la méthode d’exécution qui permettra de faire lever le gâteau. Pour l’instant, avouons-le, le gâteau demeure plat et peu savoureux.
Nous saluons l’écoute du ministre Hébert lors de cette consultation. Par contre, rien ne laisse présager que le livre de recettes du ministre Hébert favorisera une amélioration de l’accès aux services pour les familles, pas plus qu’une considération réelle et tangible des groupes communautaires qui leur dispensent une gamme de services adaptés.
Le ministre Hébert devra jouer gros et la population en est peu informée. Son livre de recettes, qu’il publiera au printemps, déterminera les orientations et les moyens que le réseau doit prendre pour améliorer l’accès aux services de santé mentale au Québec pour les six prochaines années.
Aura-t-il l’audace de sortir des sentiers battus en imposant l’obligation aux intervenants de prendre en considération les besoins des membres de l’entourage à titre de clients du système, d’accompagnateurs dans le rétablissement de leur proche et de partenaires dans l’organisation des services ? Saura-t-il rappeler aux gens de son réseau que les organismes communautaires sont plus que présents dans le système, qu’il faut travailler en complémentarité avec eux en proposant des méthodes d’exécution ?
Le ministre le sait; nous lui avons dit à moult reprises. Notre fédération regroupe 38 associations-membres certifiées qui répondent à plus de 60 000 demandes d’aide annuellement. Nos associations-membres sont administrées par des membres de l’entourage qui ont vécu eux-mêmes la problématique de la maladie mentale. Ils sont épaulés par du personnel qualifié qui offrent une gamme de services adaptés et accessibles. Nous détenons l’expertise, la compétence et l’ouverture à travailler avec les partenaires du réseau public.
À titre d’exemple, à l’urgence, plutôt que de laisser des familles seules dans la salle d’attente, envahies par le stress et la culpabilité de voir leur proche sombrer dans une crise psychotique, pourquoi ne pas les écouter et assurer leur référence vers les ressources appropriées ? C’est immoral de les laisser à elles-mêmes en sachant que leur détresse émotionnelle est trois fois plus élevée que celle de la population. D’autant plus que l’on sait qu’une fois bien outillés et soutenus, les membres de l’entourage trouvent leur zone de confort et participent activement au rétablissement de leur proche.
Monsieur le Ministre, vous devez faire en sorte que l’élément facultatif que vous avez dans votre livre de recettes actuel soit transféré dans la liste des ingrédients de base essentiels. Déjà, vos chances que le gâteau lève seront beaucoup plus grandes. Cet ingrédient majeur s’appelle la considération des membres de l’entourage dans leurs statuts de clients, d’accompagnateurs et de partenaires. À partir de là, il faudra établir les étapes d’exécution qui comprennent notamment les collaborations à établir et le financement nécessaire pour atteindre les résultats.
Docteur Hébert, si vous suivez ce précieux conseil, l’accessibilité des services pour les membres de l’entourage va s’améliorer de façon significative et la population touchée par cette problématique vous accolera alors l’étiquette de… grand chef ! Vous avez une chance comme ministre de la Santé et des Services sociaux de passer à l’histoire. À vous de la saisir !
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Lettre ouverte rédigée par Hélène Fradet, directrice générale de la Fédération des familles et amis de la personne atteinte de maladie mentale (FFAPAMM)