Confidentialité | Positionnement de CAP santé mentale
1. Contexte
La principale plainte des proches en santé mentale au Québec est : on n’est pas écouté, on n’est pas impliqué, on n’est pas informé.
Contrairement à la santé physique, les proches en santé mentale ont de la difficulté à fournir et recevoir de l’information, la confidentialité des renseignements étant le motif généralement évoqué par les intervenants. Les normes régissant la confidentialité des renseignements sont pourtant les mêmes en santé mentale qu’en santé physique.
Il en va de même lorsqu’une personne présente un risque pour elle-même ou pour les autres. Trop souvent, les proches nous disent : « Si j’avais su, si on m’avait informé des risques suicidaires, j’aurais au moins pu être là, j’aurais pu faire quelque chose… ». Malheureusement, ceux-ci sont trop souvent confrontés à des drames tels qu’un suicide qui aurait possiblement pu être évité s’ils avaient eu l’information nécessaire pour protéger la personne.
Dans ce contexte, il est important de souligner que des règles spécifiques existent pour traiter les situations de risque suicidaire, notamment dans la LSSSS chapitre S-4.2 article 19.0.1. Cependant, dans la réalité, ces règles sont souvent sous-utilisées, soulignant ainsi la nécessité d’une meilleure application des protocoles existants pour prévenir de telles tragédies.
Aspects légaux
Deux situations permettent à un employé ou à un professionnel de briser la règle de la confidentialité ou de se libérer du secret professionnel, à savoir :
- Lorsque la personne autorise la communication de renseignements (autorisation verbale ou écrite) à un proche;
- En cas d’exceptions, notamment :
- lorsqu’il s’agit de prévenir un acte de violence*;
- lorsqu’une personne est mise sous garde en établissement (information au représentant légal de la mise sous garde, de la fin de la garde et du plan de soins); lorsqu’une personne majeure est inapte à consentir à recevoir des soins (soumise à une démarche légale);
- lorsque la sécurité ou le développement d’un enfant mineur est compromis.
Chapitre S-4.2
LOI SUR LES SERVICES DE SANTÉ ET LES SERVICES SOCIAUX
*19.0.1. Un renseignement contenu au dossier d’un usager peut être communiqué, en vue de prévenir un acte de violence, dont un suicide, lorsqu’il existe un motif raisonnable de croire qu’un risque sérieux de mort ou de blessures graves menace l’usager, une autre personne ou un groupe de personnes identifiable et que la nature de la menace inspire un sentiment d’urgence.
Les renseignements peuvent alors être communiqués à la ou aux personnes exposées à ce danger, à leur représentant ou à toute personne susceptible de leur porter secours. Ils ne peuvent l’être que par une personne ou une personne appartenant à une catégorie de personnes autorisée par le directeur des services professionnels ou, à défaut d’un tel directeur, par le directeur général de l’établissement.
Les personnes ainsi autorisées ne peuvent communiquer que les renseignements nécessaires aux fins poursuivies par la communication.
Le directeur général de l’établissement doit, par directive, établir les conditions et les modalités suivant lesquelles les renseignements peuvent être communiqués. Toute personne autorisée à communiquer ces renseignements est tenue de se conformer à cette directive.
Pour l’application du premier alinéa, on entend par « blessures graves » toute blessure physique ou psychologique qui nuit d’une manière importante à l’intégrité physique, à la santé ou au bien-être d’une personne ou d’un groupe de personnes identifiable.
—-2001, c. 78, a. 14; 2005, c. 32, a. 2; 2017, c. 10, a. 33.
PAISM 2022-2026
Le Plan d’action interministériel en santé mentale 2022-2026 (PAISM) contient une action spécifique à la confidentialité :
Action 7.5 « Favoriser l’accompagnement par les familles, l’entourage et les différents partenaires par de meilleures pratiques en matière de confidentialité et de partage des renseignements
Au cours des dernières années, des travaux ont favorisé la participation des proches dans le processus de rétablissement des personnes présentant un trouble mental, notamment en contexte de prestation de soins et de services. Le partenariat avec la famille et l’entourage soulève différents enjeux relatifs au partage des renseignements, dont l’interprétation et l’application de la notion de confidentialité dans le RSSS et chez différents partenaires. Des difficultés sont également rencontrées quant au partage d’informations entre les différents partenaires qui assurent des soins et des services à la personne.
Compte tenu de l’importance du respect des droits, de l’implication des proches et de l’accès aux informations pertinentes en temps opportun dans le parcours de rétablissement des personnes présentant des troubles mentaux, le RSSS et ses partenaires doivent disposer d’outils leur permettant de mettre en place et de maintenir des pratiques exemplaires en matière d’application de la notion de confidentialité et de partage de l’information.
Afin de mettre en place les bonnes pratiques dans le RSSS et auprès des partenaires en matière d’application de la confidentialité et de partage de l’information, le MSSS soutiendra l’élaboration et la diffusion d’outils cliniques, en collaboration avec les partenaires concernés. »
Guide de bonnes pratiques
Le CIUSSS de la Capitale-Nationale (CIUSSS-CN) a produit récemment un document intitulé « Guide de bonnes pratiques pour l’implication des proches en santé mentale : considérer, intégrer, outiller ».
Ce guide traite notamment de la gestion de la confidentialité et du partage d’information selon diverses situations, afin que les proches aient l’information et le soutien requis pour assumer leur rôle auprès de la personne ayant un trouble de santé mentale, dans le respect de la volonté de celle-ci.
Le MSSS a mandaté le CIUSSS-CN de coordonner l’application du guide dans l’ensemble des CISSS/CIUSSS du Québec.
CAP santé mentale a participé aux travaux d’élaboration du guide et fait partie du comité du CIUSSS-CN sur les stratégies de déploiement du guide.
2. Positions de Cap santé mentale
- Il y a une culture à changer au Québec concernant la considération et l’intégration des proches en santé mentale, incluant l’écoute des informations qu’ils veulent transmettre et la transmission des renseignements nécessaires afin qu’ils assument leur rôle de proche.
- Il y a une réflexion à faire sur le cadre légal et éthique visant la gestion des renseignements afin d’assurer la communication aux proches par les intervenants des informations pertinentes et en temps opportun, lorsqu’une personne a une capacité de jugement réduite en raison de sa maladie mentale.
- Il y a une réflexion intersectorielle à faire pour favoriser une compréhension harmonisée de la notion de dangerosité afin d’encadrer la communication des renseignements aux proches lorsque la personne présente un danger pour elle-même ou autrui.
- CAP santé mentale appuie la volonté ministérielle d’assurer l’application du Guide de bonnes pratiques pour l’implication des proches en santé mentale dans l’ensemble des services en santé mentale au Québec.
- Les proches sont invités à contacter l’association membre de CAP santé mentale de leur région pour obtenir un soutien dans leurs démarches pour assurer la considération de leur besoin de fournir et de recevoir des informations dans l’intérêt de la personne qu’elles accompagnent.
Confidentialité positionnement CAP santé mentale (version PDF)