Budget Landry: La colère gronde chez les familles
Parution dans La Presse & Le Soleil | Édition du 21 mars 2000
Parution dans Le Droit | Édition du 31 mars 2000
Québec, le 16 mars 2000 – Sur un total de 2,7 milliards à la santé, le gouvernement accorde 8 millions en santé mentale, soit 0,3% du budget global. Quels mots pour décrire une telle décision? Erreur, fourvoiement, non-sens ou irresponsabilité? Au fil du temps, le vocable nous manque pour faire comprendre au gouvernement qu’il faut investir massivement dans les services de santé mentale.
Aujourd’hui, les familles n’éprouvent pas de déception, elles éprouvent de la colère. Les 8000 personnes qui sont membres de nos 46 associations et qui, jour après jour, appuient, accompagnent, soutiennent et hébergent une personne atteinte de maladie mentale ont vraiment l’impression que le gouvernement vient de les laisser tomber et essaie encore une fois de les berner.
Consultations à droite et à gauche, orientations pour la transformation des services de santé mentale, plan d’action, groupe d’appui qui sillonne présentement le Québec pour mobiliser les partenaires, et quoi encore? Les représentants des familles sont toujours là et ce, à tous les niveaux. Ils sont là pour répondre et participer aux consultations politiques mais sont surtout là sur le terrain, dans leur maison à supporter la déresponsabilisation du gouvernement.
Le portrait est pourtant assez éloquent puisque d’année en année nous répétons et revendiquons inlassablement les mêmes requêtes. À la lumière des décisions qui sont prises par nos décideurs, il y a lieu de croire que l’on nous entend mais que personne n’écoute puisque l’État continue à surresponsabiliser les membres de l’entourage pour le maintien de la personne atteinte dans la communauté.
Scandale silencieux et pernicieux. Il semble inutile d’investir en santé mentale puisque le gouvernement prend pour acquis que les familles vont absorber les impacts des fermetures de lits en psychiatrie, qu’elles vont héberger, supporter et arrondir les fins de mois de leur proche. Inutile d’investir puisque les familles sont tolérantes, aimantes et supportantes!! Non mais, dans quelle société vivons-nous? Sommes-nous à l’ère de la déshumanisation? L’ère où la détresse humaine ne nous atteint plus? Si oui, l’heure est grave…
Que fait notre gouvernement pour sensibiliser l’opinion publique devant le torrent de préjugés reliés à la maladie mentale? Au fil des ans, quel pourcentage des budgets en santé et services sociaux est affecté à la santé mentale? Quel est l’ampleur des mesures qui sont prises pour faciliter la réinsertion sociale et le maintien des usagers dans notre société? En plus de les exploiter à outrance, combien d’argent le gouvernement investit-il pour offrir des services de soutien aux membres de l’entourage pour qu’ils puissent bénéficier d’information, d’aide et accompagnement, d’écoute téléphonique, de formation, de groupes d’entraide et de répit-dépannage? La réponse à toutes ces questions est la même: peu, beaucoup trop peu…
Alors, quand la ministre Pauline Marois nous dit: « Les parents et les amis sont ces fameux aidants naturels sans lesquels aucune intervention ne peut vraiment réussir (…) il nous apparaît essentiel de soutenir les parents et les amis qui acceptent de s’engager dans une relation d’aide en milieu familial (…) les familles peuvent être assurées que le ministère de la Santé et des Services sociaux les considère comme de précieux partenaires… » Aujourd’hui, jusqu’à quel point peut-on encore croire ces beaux discours?
8 millions pour l’année 2000-2001! Seulement pour répondre aux besoins des membres de l’entourage, pour arriver à combler le manque à gagner des 46 associations qui leur viennent en aide, il nous faut 6,4 millions de dollars. Alors, que peut-on prévoir dans les prochains mois? Encore une fois, opération saupoudrage! Chacun essayant de soutirer quelques dollars ici et là où encore une fois il est à miser que le réseau communautaire sortira grand perdant…
Maintenant, Monsieur Landry et Madame Marois, avez-vous encore l’impression d’avoir bien fait vos devoirs?
Hélène Fradet
Directrice de la Fédération des familles et amis de
la personne atteinte de maladie mentale (FFAPAMM)