La santé mentale sur la banquette arrière
Parution sur Cyberpresse.ca | La Presse | Édition du 23 novembre 2006
Réaction à l’article de la Une du journal La Presse,
Dépressif et confiné dans une salle de débordement, paru dans l’édition du 22 novembre 2006
Québec, le 22 novembre 2006 – Incroyable et totalement inadmissible. Tels sont les sentiments qui nous habitent à la lecture des événements qui surviennent à l’hôpital Jean-Talon de Montréal. Dans la perspective où nous avons sur notre table de travail un Plan d’action en santé mentale 2005-2010, dont l’un des enjeux est le rétablissement de la personne, il y a lieu ici de se poser quelques questions de fond…
Lorsqu’une personne vit une détresse psychologique importante qui l’amène à envisager de mettre fin à ses jours ou encore qu’elle vit des troubles mentaux qui l’entraînent vers une désorganisation, la moindre des choses ne serait-elle pas de lui offrir l’accès à des services de qualité? Le Québec ne demeure-t-il pas encore dans le peloton de tête du plus haut taux de suicide? Est-il acceptable qu’en 2006, la stigmatisation, les tabous et le manque de considération à l’endroit des personnes qui ont une maladie mentale et leurs proches fassent en sorte qu’elles soient traitées dans les sous-sols des hôpitaux où l’intimité et la qualité de l’environnement sont les dernières des préoccupations? Soyons honnêtes, il y a là toutes les conditions pour s’enfoncer dans la détresse!
Depuis 1989, les gouvernements se succèdent et tous autant les uns que les autres ont manifesté un intérêt mitigé pour la santé mentale. Des documents ministériels certes, des objectifs à atteindre, des principes louables, mais peu de changements majeurs sur le terrain. À son tour en 2005, le ministre Philippe Couillard déposait son plan de match qui fût accueilli très favorablement par le milieu. Un pas qui, nous le souhaitons, sera augure d’un changement réel et concret pour l’amélioration de la qualité de vie des personnes atteintes de maladie mentale et les membres de leur entourage. Un document ministériel qui, au-delà des principes, oriente des mesures précises et des cibles à atteindre dans des délais raisonnables.
La situation rapportée dans le reportage démontre à quel point il est ardu d’arrimer le principe à la pratique. La combinaison gagnante n’est pas facile à mettre en place. Les documents ministériels sont une chose, la vraie vie c’en est une autre. L’appui des gestionnaires et du personnel traitant peut être ancré sur la bonne volonté, mais encore faut-il qu’ils aient les moyens financiers de mettre à la disposition des personnes qui sont hospitalisées et leurs familles des services adaptés à la situation.
Il faut absolument dénoncer les situations inacceptables, d’autant plus qu’elles sont diamétralement opposées à la volonté politique, et ce, sans oublier qu’aux dernières nouvelles, notre société prône encore la dignité et le respect de la personne. Il est plus que temps que les conditions de traitement des troubles mentaux soient considérées au même titre que les maladies physiques. Accompagner un proche atteint de maladie mentale est extrêmement exigeant d’un point de vue personnel, il le devient encore davantage lorsque la personne qui est hospitalisée ne reçoit pas tous les services dont elle est en droit de s’attendre.
Notre seuil de tolérance est maintenant atteint; il n’est plus question que l’on permette de laisser nos gens sur la banquette arrière. Un siège sur lequel nous n’avons aucun contrôle et qui, à la limite, peut soulever des nausées lorsque les virages sont accentués.
Hélène Fradet, directrice générale
Fédération des familles et amis de la personne atteinte de maladie mentale (FFAPAMM)