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Le traitement médiatique des troubles mentaux: intérêt, sensationnalisme ou méconnaissance?

Réaction à l’article de Mme Michèle Ouimet,
Le vie brisée de Mme Gill, paru le samedi 4 novembre 2006 (La Presse)

Québec, le 8 novembre 2006 – Depuis quelques années, sauf exception, les médias de la presse écrite ou télévisuelle s’intéressent davantage à la problématique des troubles mentaux lorsque cette dernière est associée à la violence, voire au délire meurtrier. Une formule parfaite pour entretenir la « paranoïa » d’une société à l’égard des personnes atteintes de maladie mentale et une approche qui s’inscrit à l’encontre de la lutte aux préjugés qui se dégage de toutes les orientations ministérielles des 20 dernières années.

Pendant ce temps, les familles et les proches des personnes atteintes de maladie mentale se terrent derrière le silence. Un silence empreint de culpabilité et de honte. Le témoigne recueilli auprès de Mme Gill par la journaliste de La Presse, Mme Michèle Ouimet, en est d’ailleurs la preuve. Le regard des autres est parfois traumatisant: comment des parents ne peuvent-ils pas percevoir la détresse de leur enfant? Pourquoi n’ont-ils pas agit? Où étaient-ils? Que pensent-ils? Des interrogations et allusions qui remettent en question les compétences parentales et qui les enfoncent dans leur mutisme et leur détresse.

Afficher le désarroi d’un parent à la une d’un journal peut sembler empathique mais l’oppression, le regard inquisiteur d’une situation peut provoquer son contraire. La ligne est mince entre la recherche de la vérité et le sensationnalisme. La lunette utilisée par un journaliste peut faire toute la différence et, en ce sens, le pouvoir des médias est très puissant. Non pas que l’on veuille cacher ou jouer à l’autruche, bien au contraire. S’il est malheureusement vrai que la violence est omniprésente dans notre société et que l’on peut tenter de la banaliser, il est par contre faux d’affirmer que la maladie mentale est systématiquement responsable du passage à l’acte.

Oui, on peut affirmer:

  • que de façon exceptionnelle, il arrive que des gens qui ont une maladie mentale commentent des actes violents;
  • qu’il est extrêmement difficile pour les membres de l’entourage d’évaluer le degré de dangerosité;
  • que des lacunes reliées à des facteurs d’ordres légal et d’organisation des services peuvent être pointées du doigt pour expliquer les dérapages humains;
  • que les parents sont souvent démunis et ne savent pas où demande de l’aide.

Oui, il faut parler des événements malheureux. Cependant, sans nier la réalité, il s’avère essentiel d’utiliser plusieurs paires de lunettes pour parler publiquement de maladie mentale. Plutôt que de mettre en lumière la misère humaine en brandissant le témoignage d’un parent éploré et traqué, ne vaudrait-il pas mieux d’expliquer à la population les limites des membres de la famille dans l’accompagnement de leur proche? Expliquer que les personnes qui présentent des manifestations cliniques reliées à un trouble majeur de santé mentale ne sont pas systématiquement dangereuses, loin de là. Qu’il faut faire preuve de compassion et de compréhension envers les personnes atteintes et les membres de leur entourage, et ce, dans la même perspective que nous traitons des sujets reliés aux maladies physiques.

Il est déjà difficile pour une personne atteinte de maladie mentale et sa famille de porter le stigma associé à la problématique, il est inutile de les assujettir au jugement de la société. On se doit d’unir nos forces pour faire en sorte de démontrer à la population que les personnes atteintes de maladie mentale peuvent vivre dans notre société en ayant à leur disponibilité une gamme de services de soutien. Les membres de l’entourage quant à eux, les accompagnent quotidiennement. Un rôle exigeant, souvent ingrat et dévastateur lorsqu’ils doivent composer avec des gestes de violence.

Non, rien n’est parfait en ce bas monde et c’est pourquoi il ne faut rien négliger et accepter le principe de la loi des petits pas. Il existe au Québec une quarantaine d’associations qui, par leur soutien, font en sorte que les membres de l’entourage peuvent avoir accès à des services dans toutes les régions du Québec, et ce, tout en appuyant une meilleure organisation des services dans la communauté pour les personnes atteintes de maladie mentale.

Un drame engendré par la violence, peu importe l’origine de la détresse, en est un de trop. Les décideurs politiques, les gestionnaires et tous les partenaires du réseau de la santé et des services sociaux, incluant le domaine de la justice, doivent trouver des solutions qui permettront de minimiser les passages à l’acte.

Pendant ce temps, les médias doivent nous accompagner afin que l’on puisse mettre l’emphase sur la démystification des maladies mentales et ainsi encourager les personnes en détresse et leurs familles à aller chercher de l’aide. Madame Ouimet, l’effort que vous avez fait pour permettre un éclairage sur la réalité des familles qui se terrent dans le silence est louable et nous vous en remercions. Toutefois, lors d’une prochaine parution, peut-être serait-il intéressant d’épouser la loi des petits pas, question d’unir les angles du témoignage et celui de l’espoir.

Hélène Fradet, directrice générale
Fédération des familles et amis de la
personne atteinte de maladie mentale (FFAPAMM)