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Réaction à l’article « La folie de la maladie mentale » paru dans Le Devoir, édition du 23 février 2013

À l’attention de M. Louis Cornellier, journaliste au journal Le Devoir

Québec, 14 mars 2013 – C’est avec stupéfaction que je viens de prendre connaissance d’un article que vous avez signé le 23 février dernier. Parler de la maladie mentale pour déstigmatiser, informer et sensibiliser la population soit, mais parler de maladie mentale en invoquant un livre qui nous ramène 50 ans en arrière, c’est plus que questionnable. [ Lire l’article de M. Cornellier ]

M. Jean-Claude St-Onge a droit à son opinion; il peut émettre ses hypothèses sur les origines de la maladie mentale et ses traitements. Par contre, de notre point de vue, les journalistes doivent faire preuve de vigilance lorsqu’il est question de soutenir des questionnements idéologiques si importants.

Notre organisation, la FFAPAMM (Fédération des familles et amis de la personne atteinte de maladie mentale), regroupe 38 associations à travers la province qui viennent en aide aux membres de l’entourage qui ont un proche atteint de maladie mentale. Annuellement, ces groupes répondent à plus de 60 000 demandes d’aide. Inutile de vous dire qu’une affirmation, telle que « la grande majorité des patients frappés d’un trouble psychiatrique (la schizophrénie) ont été victimes d’abus sexuel ou physique », nous laisse pantois. Nous avons peine à croire que des gens puissent, encore aujourd’hui et après toutes les études scientifiques qui ont été réalisées, écrire et croire de tels propos.

Par ailleurs, questionner l’usage croissant de traitements pharmacologiques pour apaiser la détresse psychologique reliée au mal de vivre est louable, mais laisser entendre que des problèmes sévères de maladie mentale (schizophrénie, troubles bipolaires, dépression sévère et persistante, troubles obsessionnels-compulsifs ou troubles de personnalité limite) pourraient se passer de l’industrie pharmaceutique, c’est carrément dangereux et irresponsable. Un tel phénomène pourrait entraîner des pertes de vie et des drames humains considérables.

En terminant, je vous souligne les nuances que l’on doit apporter entre les problèmes de santé mentale et ceux reliés à la maladie mentale. L’OMS définit la santé mentale de la façon suivante : « (…) c’est parvenir à établir un équilibre entre tous les aspects de sa vie : physique, psychologique, spirituel, social et économique. Ce n’est pas quelque chose de statique, c’est plutôt quelque chose qui fluctue sur un continuum, comme la santé physique ». D’autre part, la Fondation des maladies mentales précise ce que l’on entend par troubles mentaux : « (…) par maladies mentales, on désigne l’ensemble des problèmes affectant l’esprit; il s’agit de manifestations d’un dysfonctionnement psychologique qui est souvent biologique ».

Au nom de notre organisation et en tout respect, je vous invite à la prudence lorsque vient le temps de publier sur la maladie mentale. Il ne faut jamais oublier que derrière le diagnostic, il y a des personnes en souffrance. Comme journaliste, vous avez un pouvoir d’influence important et la conclusion de votre article est lourd de contenu et de conséquences possibles.

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Rédigé par Hélène Fradet,
directrice générale de la Fédération des familles et amis de la personne atteinte de maladie mentale